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Moussa Njoya : « Nous sommes un peuple qui a l’art de vénérer ses bourreaux »

Yaoundé – 18 août 2025

Dans une lettre publiée ce lundi dans le quotidien Le Jour, le politologue Moussa Njoya livre une critique acerbe de la société camerounaise. À travers le cas du comédien « Gato International » et plusieurs exemples récents, il dénonce ce qu’il considère comme une tendance profonde : celle des Camerounais à glorifier ceux qui les oppriment.

L’affaire Gato International, symbole d’une soumission collective

Tout part d’un épisode médiatique ayant secoué les réseaux sociaux. Interpellé par la gendarmerie à Douala puis transféré à Yaoundé pour des propos jugés offensants, le comédien « Gato International » avait suscité un élan de solidarité. Mais contre toute attente, il s’était ensuite empressé de remercier et d’aduler ceux-là mêmes qu’il accusait de ses malheurs.

Pour Moussa Njoya, cette réaction traduit une mentalité plus large :

« Nous sommes tous des Gato International, un peuple si porté à vénérer ceux qui leur ont pourtant fait tant de mal. »

Quand la pénurie devient un motif de gratitude

Le politologue prend ensuite pour exemple la distribution récente de camions-citernes par la Camwater dans certaines régions frappées par la pénurie d’eau.
Plutôt que de dénoncer une incapacité structurelle d’un pays pourtant riche en ressources hydriques, responsables administratifs et populations s’étaient montrés reconnaissants.

« Là où les citoyens d’autres nations auraient exigé des comptes, les Camerounais ont applaudi leurs bourreaux », souligne Moussa Njoya.L’opposition, entre indignité et remerciements déplacés

Le texte s’attarde aussi sur les acteurs politiques. Moussa Njoya fustige l’attitude de certains leaders de l’opposition qui, au lieu de contester les failles du processus électoral, remercient Elecam et le Conseil constitutionnel pour les avoir simplement autorisés à participer à l’élection présidentielle.

« Dans tout État normal, la participation à une élection est un droit. Ici, c’est devenu une faveur pour laquelle des opposants se prosternent », écrit-il.

Un mal institutionnalisé

La lettre revient également sur le cas de Bessiping Léopold, candidat recalé puis rétabli après un contentieux lié à son salaire suspendu par l’administration. Plutôt que de transformer cette injustice en combat collectif, l’intéressé aurait préféré savourer sa « victoire » individuelle et remercier ceux-là mêmes qui l’avaient spolié.

Pour Moussa Njoya, ce comportement illustre « la comi-tragédie électorale » dans laquelle l’opposition elle-même se complaît.

“We thank the hate of state”

Enfin, le politologue convoque l’artiste camerounais Kobo et sa chanson Boys and girlses, pour rappeler l’obséquiosité avec laquelle les citoyens acceptent les privations imposées par leurs gouvernants.

Il conclut que la véritable responsabilité n’incombe pas seulement à ceux qui dirigent, mais aussi aux citoyens eux-mêmes :

« Au lieu de les chasser, nous nous plaisons à les aduler pour tous les sévices rendus. »

Un miroir social

La lettre de Moussa Njoya agit comme un miroir tendu à la société camerounaise. Derrière le sarcasme, se pose une question fondamentale : le Cameroun peut-il construire un avenir démocratique et prospère tant que ses citoyens continueront à remercier ceux qui les privent de leurs droits les plus élémentaires ?

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