Analyse du Dr Simeon Kuissu.
À l’approche de chaque élection présidentielle au Cameroun, la même rengaine refait surface : « L’opposition doit s’unir, il faut un candidat unique ! » Pourtant, l’histoire récente démontre que cette idée, séduisante en apparence, est souvent trompeuse et parfois même contre-productive.
Les leçons du passé
Depuis le départ d’Ahidjo, toutes les élections présidentielles – 1992, 1997, 2004, 2011 et 2018 – ont été remportées par le même homme : Paul Biya.
- 1992 : malgré la multiplicité des candidatures (Fru Ndi, Ndam Njoya, Bello Bouba, Eboua Samuel…), le candidat du SDF réussit à l’emporter dans les urnes. Sa victoire, bien que contestée puis confisquée, reste reconnue par beaucoup d’observateurs. Cela prouve qu’un candidat peut gagner, même sans être unique.
- 2004/2011 : une tentative d’union avait désigné Ndam Njoya comme candidat unique. Mais Fru Ndi s’était désolidarisé de l’accord et avait maintenu sa candidature, entraînant une nouvelle défaite de l’opposition.
- Aujourd’hui : avec près de 81 candidats annoncés, ce foisonnement arrange avant tout le RDPC, qui capitalise sur la division.
Le mythe du candidat unique
Deux enseignements s’imposent :
- Un candidat peut gagner sans être unique, s’il bénéficie d’un fort ancrage populaire.
- Un candidat unique peut perdre, si l’unité est artificielle ou imposée, sans véritable base électorale.
La véritable clé réside moins dans l’unité de façade que dans la capacité des forces politiques les plus populaires à s’entendre sur un leadership crédible et consensuel.
Le cas Maurice Kamto : un arbitre malgré l’exclusion
En 1992, c’est le poids du SDF et de l’UPC qui avait permis la victoire confisquée de Fru Ndi. Aujourd’hui, Maurice Kamto occupe une place similaire dans le paysage politique.
Bien qu’exclu arbitrairement de la présidentielle 2025, son influence reste telle qu’il peut peser sur l’issue du scrutin. S’il venait à soutenir un candidat consensuel, l’équilibre électoral basculerait.
Une responsabilité historique
Plutôt que de s’épuiser à fabriquer un « candidat unique », les figures de l’opposition doivent œuvrer à un pacte clair : que les plus populaires se rangent derrière l’un d’entre eux.
C’est cette alliance stratégique – et non un slogan – qui offrirait une véritable chance de victoire.
Le peuple camerounais n’acceptera pas que les ambitions personnelles sabotent l’unique possibilité de changement pacifique. Si les opposants manquent ce rendez-vous historique, ils porteront la responsabilité de prolonger la domination d’un régime qui, depuis des décennies, saigne le pays.
Cependant, Les opinions exprimées dans cette tribune n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale de VP237.