Les décennies 1970 et 1980 restent gravées dans la mémoire collective comme une période d’expansion économique, d’ambitions modernisatrices et de grands projets structurants. Sous la présidence d’Ahmadou Ahidjo puis dans les premières années du mandat de Paul Biya, le Cameroun affichait une croissance économique enviable, portée par l’industrialisation, l’exploitation des ressources naturelles et le développement des infrastructures. Mais cette époque de prospérité a-t-elle véritablement profité à la population ? Et que reste-t-il aujourd’hui de ce rêve de grandeur ?
Une économie en plein essor
Les années 70 sont marquées par une forte croissance économique, alimentée par l’exportation de matières premières telles que le cacao, le café, l’huile de palme et surtout le pétrole, dont la production explose à partir de 1977. L’État investit massivement dans les infrastructures : routes, barrages hydroélectriques, ports et chemins de fer se multiplient pour moderniser le pays et encourager le commerce intérieur et extérieur.
Le secteur agricole est particulièrement mis en avant avec la création des sociétés d’État comme la SODECOTON pour le coton et la SEMRY pour le riz, qui visent à assurer une autosuffisance alimentaire et un développement rural dynamique. Ces initiatives permettent au Cameroun d’être considéré comme une puissance agricole en Afrique centrale.
Les grands projets et la modernisation
Durant cette période, l’ambition du Cameroun est d’accéder au statut de pays émergent. Plusieurs projets emblématiques voient le jour :
- La construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi, destiné à favoriser le commerce maritime.
- La mise en service du barrage hydroélectrique de Song-Loulou, qui améliore l’approvisionnement en électricité.
- L’inauguration du palais des congrès de Yaoundé et du Centre international des affaires, témoins d’une volonté de s’affirmer comme une place économique et politique de premier plan en Afrique.
L’éducation et la santé ne sont pas en reste : de nombreuses écoles, universités et hôpitaux sont construits pour accompagner la modernisation du pays et former une nouvelle génération de cadres.
Les limites du modèle économique
Malgré ces avancées, le miracle camerounais des années 70-80 cache des failles. L’économie repose essentiellement sur l’exportation des matières premières, rendant le pays vulnérable aux fluctuations des prix sur le marché international. La crise économique mondiale des années 80 frappe durement le Cameroun, qui voit ses revenus pétroliers chuter brutalement. L’endettement public augmente, et les premiers signes de récession apparaissent.
En parallèle, le système politique reste autoritaire, avec un pouvoir centralisé et une faible ouverture démocratique. La transition entre Ahidjo et Biya en 1982 s’opère dans un climat de tensions politiques, marquant la fin progressive de cette ère de prospérité apparente.
Un héritage contrasté
Aujourd’hui, que reste-t-il de cette époque ? Certaines infrastructures mises en place dans les années 70-80 sont encore en service, bien que souvent en état de dégradation. L’industrie pétrolière et agricole reste un pilier de l’économie, mais le pays peine toujours à diversifier ses sources de revenus et à industrialiser véritablement son économie.
Cette période reste cependant un symbole de ce que le Cameroun aurait pu devenir avec une gestion économique plus prudente et une vision à long terme. Elle rappelle aussi l’importance d’investir dans des secteurs durables et inclusifs pour éviter les cycles de croissance suivis de crises brutales.
Les années 70-80 étaient une période d’espoir et de grands projets. Le défi aujourd’hui est de s’inspirer de ces ambitions pour bâtir un Cameroun plus stable, prospère et résilient.
