Contexte: l’heure du soupçon
Depuis plusieurs mois, la scène politique camerounaise est en proie à une rumeur persistante : celle de la volonté du régime de modifier la Constitution pour créer un poste de Vice-Président — un poste jusque-là inexistant — dans l’objectif implicite de préparer une succession dynastique à la tête de l’État. L’agenda parlementaire du 19 juin 2025 laisse transparaître l’imminence d’une telle annonce.
Certains noms circulent déjà , dont celui de Franck Emmanuel Biya, fils du président Paul Biya. Pour beaucoup, cette manœuvre rappelle davantage une logique monarchique qu’une transition démocratique. Le parallèle avec des régimes héréditaires est sur toutes les lèvres.
1. Une démarche aux relents d’héritage monarchique
Créer un poste de vice-président en fin de règne, dans un système ultra-présidentialiste, sans débat national ni processus participatif, et dans un contexte de verrouillage des libertés publiques, apparaît comme un geste politique chargé de calculs successoraux.
Si la vacance du pouvoir est anticipée pour des raisons de santé ou d’âge (le président Paul Biya a 92 ans), cette réforme pourrait servir d’habillage constitutionnel pour un passage de pouvoir familial — autrement inacceptable dans une République.
Un danger démocratique:
- Une vice-présidence taillée sur mesure pourrait court-circuiter les urnes en cas de vacance du pouvoir.
- L’opinion publique nationale, déjà éprouvée par des décennies d’immobilisme, risque de plonger dans la désillusion ou la radicalisation.
- Une telle manœuvre affaiblit la crédibilité des institutions et aggrave la fracture entre l’État et la société civile.
2. Que peut faire l’opposition ?
L’opposition camerounaise, bien que fragmentée, a l’obligation morale et stratégique de réagir.
Trois leviers principaux s’offrent à elle :
- Un front politique uni : partis d’opposition, société civile, leaders religieux, diaspora doivent parler d’une même voix pour exiger la transparence constitutionnelle et refuser toute succession imposée.
- Une mobilisation citoyenne : une large campagne de sensibilisation doit être lancée pour expliquer au peuple les enjeux d’une telle modification et les risques d’une transmission dynastique du pouvoir.
- Un recours juridique ou symbolique : même si les institutions sont captives, des recours peuvent être introduits pour dénoncer l’inconstitutionnalité du processus et mémoriser l’acte pour les générations futures.
3. Et la communauté internationale ?
La communauté internationale — et plus particulièrement l’Union Africaine, la Francophonie, l’Union européenne, les États-Unis — ne peuvent plus se contenter de l’observation passive.
Il en va de leur propre crédibilité. Si le Cameroun modifie sa Constitution pour instaurer une présidence de fait héréditaire, sans légitimité électorale, alors toutes les futures élections perdent leur sens.
RĂ´les attendus:
- Veille diplomatique : déclarations fermes sur l’importance du respect des principes républicains et de la démocratie.
- Suivi renforcé du processus électoral de 2025.
- Conditionnement de l’aide ou de la coopération au respect des droits fondamentaux.
- Appui à la société civile et à la presse indépendante.
4. Quelles conséquences à court et long terme ?
Ă€ court terme:
- Climat politique tendu, manifestations possibles, arrestations arbitraires.
- Renforcement de la répression et fermeture de l’espace civique.
- Désengagement populaire accru, hausse du cynisme politique.
Ă€ moyen terme:
- Instabilité chronique si la succession n’est pas acceptée.
- Émergence de nouveaux pôles de résistance, notamment depuis la diaspora.
- Isolement diplomatique progressif du Cameroun.
Ă€ long terme:
- Un précédent dangereux pour d’autres régimes africains.
- Érosion de l’idée républicaine dans la conscience populaire.
- Risque d’effondrement institutionnel, voire de violences post-électorales.
Conclusion: Le silence n’est plus une option
La modification constitutionnelle en discussion n’est pas un simple ajustement administratif : c’est une tentative de confiscation du pouvoir qui doit être nommée pour ce qu’elle est.
Il est encore temps d’alerter, de mobiliser et d’exiger que le Cameroun reste une République — et non une monarchie déguisée.
Ce que l’histoire retiendra, ce n’est pas seulement ce que le régime a fait — mais aussi ce que les citoyens, les intellectuels, les activistes et les partenaires internationaux ont laissé faire.